Auto-entrepreneur et impression 3D

Il y a quelque temps, j’avais défloré un sujet consentant; la création d’entreprise avec pour activité, l’impression 3D.

J’avais insisté sur les compétences nécessaires, le pognon indispensable, l’âme commerciale primordiale et la ténacité indispensable pour mener à bien et pérenniser son projet. Comme n’importe quel projet d’entreprise. Cependant dans le domaine de l’impression 3D, les qualités requises sont exacerbées parce que le domaine est encore nouveau, pas très connu. Il faut donc redoubler d’innovation, de recherche et de développement, investir beaucoup d’argent et de temps pour trouver et convaincre des clients.

La création d’entreprise étant mon domaine – je précise que mes conseils son payants -, on m’interroge souvent sur l’adéquation du statut d’auto-entrepreneur avec « l’activité de l’impression 3D ».

Autant me demander si l’auto-entrepreneur est compatible avec l’activité de la chaussette.

Conception, design, conseils, production, vente ou repriser des chaussettes?

De la vente? Ok mais de quoi? Imprimantes 3D, Consommables, pièces détachées, conseils, réparation?

Comme je l’écrivais dans mon précédent article, il faut commencer à définir précisément ce que l’on veut faire, puis réaliser un « prévisionnel » ainsi qu’une étude de marché. C’est le minimum.

Notez que souvent, les gens qui m’interrogent n’ont pas un fifrelin. Je leur demande d’emblée quelle serait leur réaction si, commerçant installé, on  exigeait d’eux une imprimante 3D gratuite « car comprenez-vous, j’ai besoin d’imprimer mes dents en 3D »

Je n’ai nulle intention de détailler une étude de cas, je vais juste débroussailler et préciser quelques « évidences ». Je vais partir de l’hypothèse d’un projet de « vente en ligne » qui semble être l’idée fixe, le graal de tout futur auto-entrepreneur en herbe, attiré par l’impression 3D.

L’auto-entreprise:

Je ne vais pas faire une description du statut, il y a des sites spécialisés pour cela. Néanmoins, voici quelques grandes lignes à prendre en compte absolument.

  1. Le statut se complexifie et devient plus couteux chaque année. Ne pas s’imaginer que la tendance s’inverse un jour; un entrepreneur doit espérer le meilleur mais s’attendre au pire.
  2. Les charges et taxes se calculent sur le chiffre d’affaire et non sur le bénéfice ou sur votre seule rémunération. Autrement dit, chaque euro qui rentre sur votre compte est taxé aux taux de 14,1% pour les commerçants, 24,8% pour les prestataires de service, 21,5% pour le conseil. Attention, je schématise, il y a des subtilités modifiant légèrement ces taux.
  3. Vous ne payez des charges/taxes que sur le pognon qui rentre.
  4. Il existe des plafonds de chiffre d’affaire qu’il ne faut pas dépasser: 81500€ Pour les commerçants et 32600€ Pour les autres.
  5. Vous ne facturez pas de TVA mais vous ne récupérez pas de TVA non plus.
  6. Attention, il existe une taxe, très lourde, que vous devrez payer même si vous faites 0 (zéro) euros de chiffre d’affaire: la CFE ou Contribution Foncière des entreprises. Elle peut monter jusqu’à 2000 euros par an. En moyenne c’est environ 750 euros.

Nous allons étudier les répercussions des points que je viens d’évoquer sur votre future activité. Le point 6 n’a pas d’importance stratégique, vous payez la somme chaque année quelque soit votre façon de travailler et le chiffre que vous engrangez. Néanmoins, il faut garder en tête que le simple fait de vous inscrire vous coute le montant de cette taxe. Réfléchissez bien. Pour le moment, il existe une exonération pour la première année, encore faut-il faire attention aux options fiscales que vous choisissez, certaines vous obligent à payer la CFE dès la première année…

Le point 1 n’est pas à négliger, j’insiste dessus dans la mesure où il ne faut plus, comme à la création du statut, raisonner en terme d’essai. Je vais essayer mon idée, si ça ne fonctionne pas, ce n’est pas grave. Aujourd’hui, le statut est devenu plus contraignant, c’est un engagement couteux même si, heureusement, les conséquences d’un échec sont moins lourdes qu’avec une entreprise classique dont la liquidation peut vous faire perdre jusqu’à votre slip.

Les points numéro 2 et 3 représentent le coté révolutionnaire du statut. C’est celui qui permet à beaucoup de gens sans argent de se lancer mais c’est aussi celui qui rend le statut très couteux. Sachez également qu’en dessous d’un certain chiffre d’affaire, vous cotiserez pour votre retraite à fond perdu puisque vos trimestres ne seront pas validés. Si vous êtes commerçant, il faudra que votre prix de vente contienne votre taux de cotisation. Par exemple, si vous vendez un Truc 100€, il faudra faire au moins 14,1€ de marge pour couvrir vos cotisations. Ce point vous oblige à vendre des choses peu couteuses et à pratiquer de fortes marges car le statut vous empêche de vendre des produits couteux à « faibles » marge. Par exemple, vous achetez une machine à un fournisseur 75000€ pour la revendre 81500€. 6500€ de marge mais 11410 euros de cotisations… Dans une entreprise classique, en schématisant, les cotisations et taxes sont calculées sur la marge, soit dans cet exemple, sur 6500€.

N’oublions pas, nous étudions les répercutions du statut sur une boutique en ligne. Or quel est le point fondamental d’un tel commerce? Ce sont les frais de transport. Votre chiffre d’affaire sera en grande partie constitué de frais de transport, sur lesquels vous allez payer des charges. Par exemple, vous vendez une bobine de filament 30 euros. Votre chiffre d’affaire sera donc de 38,50€ en incluant 8,50 euros de frais de port et vous paierez donc des charges sur 38,50€ et non sur le prix de votre bobine (30€).

Le point 4 – le plafonnement des recettes- est surtout à prendre en considération la première année: en effet il faut savoir qu’il est calculé sur une année pleine même si vous avez débuté votre activité le 1er juillet. En effet le chiffre d’affaire est proratisé. Si, par exemple, le chiffre d’affaire dépasse la moitié du plafond au bout de 6 mois, le seuil est considéré comme dépassé.

Le point 5, concernant la TVA, est souvent négligé et pourtant, c’est un obstacle très important.

Exemple: vous achetez un moteur d’imprimante 3D 12€  que vous espérez vendre 20€ à une entreprise classique.

Votre concurrent, la SARL TrouDucEn3D, achète le même moteur 12€ TTC et le revendra 20€TTC. Cependant, dans les faits, l’entreprise cliente, la SAS MesCouillesEn3D paiera le moteur de la SARL TrouDucEn3D 20€ – 20% TVA soit 16,67€HT alors qu’elle ne pourra pas récupérer de TVA sur l’achat de votre moteur, qui lui coutera toujours 20€.

Pour résumer (en simplifiant), la SARL TrouDucEn3D achète son moteur 10€ et le revend 16,67€ alors que vous l’achetez 12€ et le revendez 20€.

Vous n’êtes donc pas compétitif quand vos clients sont des entreprises classiques. Vous devrez donc soit baisser vos marges, au risque de devoir payer des cotisations supérieures à vos gains, soit ne vendre qu’à des particuliers qui ne peuvent récupérer de TVA.

Gérer une boutique en ligne en tant qu’auto-entrepreneur, Conclusion:

  • N’attendez pas un miracle du statut d’auto-entrepreneur
  • Ne démarrez pas sans argent, il y aura toujours des frais à engager même si le statut vous permettra de garder votre slip en cas d’échec
  • Ne négligez pas l’influence de la TVA, privilégiez les ventes aux particuliers
  • Attention au frais de transport, vous ne margez pas dessus mais ils font partie de votre CA et par conséquent ils sont soumis aux charges.